L’attaque survenu à Palmyre a refroidi les relations entre les États-Unis et la Syrie, ainsi que la confiance envers le régime d’Ahmad al-Charaa. Le 13 décembre 2025, alors qu’un groupe de militaires et de civils américains, escorté par les services de sécurité syriens, se rendait à Palmyre, un membre des forces syriennes a ouvert le feu. Deux militaires américains et un civil ont été tués. Les atrocités commises sur la côte en mars 2025, ainsi que les violences envers les Druzes en juillet dernier, montrent que l’armée et les forces de sécurité syriennes sont profondément imprégnées de pratiques djihadistes. Ces pratiques ont permis à ce nouveau pouvoir de s’installer. Selon Walid Phares, « les forces américaines peuvent-elles faire confiance aux services et aux forces du régime ? »

Voir l’analyse de Fabrice Balanche pour I24 News, dimanche 14 décembre

Les soldats américains provenaient de la base militaire d’al-Tanf, située sur la frontière entre la Syrie, la Jordanie et l’Irak. Il y a 200 militaires qui appuient quelques milliers de combattants d’un groupe rebelle lié à l’Armée syrienne libre. Ils venaient se coordonner avec les forces de sécurité d’al-Charaa dans la lutte contre Daesh. En effet, il a rejoint la coalition antidjihadiste après sa visite à Washington en novembre dernier. Le ministère de la Défense affirme que l’assaillant était un membre de l’État islamique et devait être exclu des effectifs. Cependant, cette affirmation est-elle crédible ? Damas a officiellement attribué l’attaque contre l’église Mar Elias à l’État islamique après que le gouverneur de la ville ait brièvement évoqué les « fouloul », terme désignant les collaborateurs de l’ancien régime. En Syrie, les problèmes sont soit attribués à l’État islamique, soit aux « fouloul », mais jamais aux forces d’Ahmad al-Sharaa.

Des doutes sur la capacité d’al-Charaa à lutter contre Daesh

HTS est un groupe jihadiste qui a évolué stratégiquement en s’éloignant d’Al-Qaïda. Il a renoncé au jihad international pour assurer le soutien des pays occidentaux, de la Turquie et du Golfe. Cette démarche s’est avérée fructueuse, puisqu’il a pu émerger comme une alternative à Bachar al-Assad, contrairement à Daech, et s’emparer du pouvoir.

Ahmad al-Charaa est un homme pragmatique et intelligent. Il cache ses véritables intentions : établir une République islamique autoritaire. Il veut faire croire qu’il n’a aucune responsabilité quant aux atrocités commises envers les minorités, car il a besoin que les sanctions imposées par l’Occident soient levées afin d’asseoir son pouvoir et réaliser ses projets politiques. Toutefois, ses liens étroits avec Washington irritent ses propres soldats. En octobre dernier, lorsqu’il a tenté d’arrêter le djihadiste français Omar Débyeh, dont la base est au nord d’Idleb, ce fut un échec cuisant. Les forces de sécurité d’Ahmad al-Sharaa, peu motivées, furent mises en échec par une poignée de jihadistes pendant deux jours, avant que des groupes jihadistes tchétchènes, ouzbeks et autres ne viennent leur prêter main-forte, obligeant le nouveau maître de Damas à reculer piteusement.

La nouvelle armée syrienne est une coalition des différentes milices islamistes présentes dans la rébellion syrienne. Haya Tahrir al-Sham en est la composante principale. Il ne faut toutefois pas oublier que cette milice est l’héritière de la branche syrienne d’al-Qaïda. Si ses dirigeants se sont éloignés d’elle en 2016, ce n’est pas le cas de toute la troupe. De plus, en 2017, HTS a accueilli des centaines, sinon des milliers, d’anciens combattants de l’État islamique qui ont fui l’effondrement du « Khalifat ». Ils jurèrent allégeance à Abou Mohamed al-Jolani et continuèrent à se battre à ses côtés. Il semble donc difficile pour Ahmad al-Sharaa de lutter efficacement contre Daesh, car il ne s’est pas attaqué aux bases de Daesh dans l’est de la Syrie. Le démantèlement de cellules de Daesh dans l’ouest de la Syrie en novembre dernier semble être une opération de communication.

Les FDS restent le meilleur partenaire des Occidentaux

Cette attaque terroriste peut-elle remettre en cause la coopération avec la coalition internationale dirigée par les États-Unis ? Officiellement, non, mais en réalité cela risque de poser de sérieux doutes quant à la fiabilité des forces d’Ahmad al-Charaa. Le CENTCOM n’a pas oublié que, lorsque les USA ont voulu entraîner des combattants arabes issus de la rébellion pour affronter Daesh en 2014-2015, ils n’avaient presque pas de recrues. Ils ont dépensé des fortunes pour entraîner quelques dizaines de combattants en Turquie, qui ont été arrêtés par le Front al-Nosra lorsqu’ils ont tenté de traverser la frontière turco-syrienne, qui a ensuite confisqué leurs armes.

C’est pour cette raison que les États-Unis ont dû se résoudre à appuyer les YPG, la branche syrienne du PKK, en dépit de l’opposition turque. Washington a feint de croire que les YPG et le PKK étaient deux entités distinctes pour justifier leur aide militaire et financière à la branche locale d’une organisation qualifiée de terroriste. En 2016, le YPG et d’autres milices arabes se regroupèrent pour former les Forces démocratiques syriennes. Elles libérèrent la vallée de l’Euphrate de Raqqa à Baghouz de Daesh et continuent à prémunir la région de son retour. En effet, les États-Unis, représentés par Tom Barack, l’envoyé spécial pour la Syrie, exigent que les Forces démocratiques syriennes (FDS) se fondent dans l’armée syrienne d’al-Charaa. Or, ce dernier n’attend que cela pour désarmer les FDS, mettre fin à l’Autonomie administrative du Nord et de l’Est de la Syrie et à toute forme d’autonomie kurde dans la région.